1. « Des nouvelles de Mars ! »

La Tourterelle Rieuse s’apprêtait à s’adresser à un auditoire qui n’était rien de moins que le Système solaire.

L’émetteur se mit à crépiter.

« …Aujourd’hui, chers auditeurs, est un jour d’entre les jours. J’ai en ma possession des nouvelles incroyables, impensables, dont je ne crois pas m’avancer en affirmant qu’il s’agit des événements tant attendus par l’ensemble des partisans de notre cause. Vous vous étonnerez de l’origine de cette annonce, car elle provient de la Mars-même. Oui, cette planète dont on a si souvent répété qu’elle était renfrognée et sauvage, digne de la nature humaine la plus abjecte !

Les événements dont je vous parle remontent au 25 novembre dernier. Ce jour-là ont été communiquées par Mars Presse Internationale des nouvelles dont on pourrait dire qu’elles sont banales, et ce à quoi nous sommes habitués de la part de la planète rouge. Ainsi, un retard d’approvisionnement est mentionné pour les villes de Yumacity et de Norbourg : en effet, trois convois sont portés disparus entre les secteurs des collines de Mumbai et de la plaine de Tharsis. Celui que l’on blâme ? Le climat martien, et ses affreuses tempêtes de sable. C’est une affaire bien connue que la Mars est aussi sauvage que son vent est traître, que les accidents s’y produisent plus souvent qu’ailleurs, et qu’encore plus d’hommes s’y perdent ; pour disparaître toujours, la plupart du temps.

Or, on vous a menti. Il est des choses qu’on ne fera pas disparaitre.

Cette époque, chers auditeurs ; l’époque du mensonge, vient de se terminer. Encore une fois, Mars Presse Internationale vous a trompé en se révélant n’être qu’un tissu de mensonges, en vous décevant. C’est une fois de trop. Voici enfin la vérité. Cette même journée du 25, les convois portés disparus n’ont pas été emportés par la tempête, mais par des hommes que nous n’espérions plus. Chers auditeurs, voici la vérité que l’Union Nouvel-Américain craignait que vous appreniez, ce qu’elle vous a caché… Voici, chers auditeurs, le retour de l’escouade des MERLES ROUGES ! Cette résistance plus forte que jamais, nouvellement-née de ses cendres qui si elles furent rougies, ne furent jamais éteintes !

Cela vous rappelle sans doute l’émeute d’Atomgrad dont se fut l’anniversaire à la même date, mais il y a dix ans ? Cette révolte menée par le désormais célèbre JEAN-FRÉDÉRIC MAYENNE, dont nous reconnaissons si bien les manières ? Celui dont on osa dire, puisqu’il avait disparu, qu’il nous avait abandonné ? Sottises que tout cela, car le hasard n’en était pas un. La nouvelle figure de proue de l’escouade des Merles Rouges n’est nul autre que son descendant direct, le mythique fils d’Atomgrad, Jonathan Mayenne. On crut longtemps que l’existence du fils d’Atomgrad n’était qu’une ruse, qu’un mythe inventé par les fanatiques ou les propagandistes : pourtant le voilà en chair et en os, droit sur ses jambes, à nous dire, tel son père le disait avant lui, que l’affranchissement de Mars est toujours possible !

La censure du retour des Merles Rouges par les presses internationales martiennes dévoile leur peur de ce que nous, le peuple colonial, pourrions devenir. Chacun de leur silence est l’une de nos victoires. Chaque fois que les psychologues scientologiens nous nommeront aberrés, désespérés ou escrocs, ce sera un pas fait par nous et un pas reculé par eux ! Ne perdez pas confiance en votre pouvoir, car ce serait trahir les Merles Rouges qui combattent pour vous, qui veulent redonner «aux oubliés et aux sudistes de Mars le retour des choses dont ils auraient dû bénéficier depuis longtemps». Ces Merles Rouges qui expriment votre refus, celui des «Territoires-Unis», d’abandonner vos terres aux entreprises de la Nouvelle-Amérique sans qu’il n’y ait redevance. «Notre territoire n’est pas l’opprimé du tyran nouvel-américain ; il est l’exil des hommes de loi ; il est fierté, droiture et courage ; le bras de sa colère éconduira tout ceux qui se mettront en travers de son chemin.»

Ce sont des noms que nous n’espérions plus, des hommes dont le souvenir réchauffe nos âmes glacées. Tremblez, chers auditeurs, réjouissez-vous, car je vous le répète, c’est bien d’un geste revendiqué par les MERLES ROUGES dont je vous parle ; cette escouade «non-ressuscitée, car elle ne fut jamais morte» ! Loin d'avoir été appréhendés par l’AS, vous vous exciterez d’apprendre que les Merles Rouges ont glissé aux mains de votre ennemi, l’Union Nouvel-Américain, et qu’ils me font l’honneur, à moi la Tourterelle Rieuse, de vous annoncer l’heureuse nouvelle de le glorieux retour !

Oh, chers auditeurs… Je me réjouis avec vous, car comme vous je suis le témoin de ces évènements historiques, et n’y participe que de voix et d’esprit ; que dire, d’âme ! Je vous le dis donc en toute franchise, et parfaitement ému : chers auditeurs, n’avons-nous pas suffisamment attendu ce contrecoup, ce signe de l’avènement d’une ère nouvelle, cette personne pour nous guider, en qui confier nos âmes ? N’avons-nous pas suffisamment attendu, les yeux rivés au ciel, toujours, par la faute de cette foi assaillante ? N’avons-nous pas suffisamment attendu ? Mais notre foi sera récompensée, et les âmes honnêtes vaincront à la toute fin de leur courage celles qui en profitèrent et qui les avilir. Sinon ce serait admettre que l’univers soit mauvais, et nous ne pouvons nous résoudre à une telle pensée ! Heureusement, nous n’aurons pas à le faire. Chers auditeurs, notre attente n’aura pas été vaine : le fait est accompli, l’attente terminée ; l’univers répond à notre appel. Cette voix que nous entendons, c’est celle d’un nouvel espoir, d’une victoire contre le mal. Cette voix que nous entendons, c’est la gloire des Merles Rouges, de Jean-Frédéric le Merle et de son fils Jonathan Mayenne.

C’était la Tourterelle Rieuse, libre chroniqueur des chroniqueurs indépendants, fidèles voix des Merles Rouges, pour et par l’indépendance. À la semaine prochaine. »

Les émissions de la Tourterelle Rieuse

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